Couverture L'incréé. La générosité du Père chez Maître Eckhart

L'incréé. La générosité du Père chez Maître Eckhart

Isabelle Raviolo
2011
432 pp.
ISBN
978-2-2040914-73

Très peu traitée par les commentateurs, la notion d'incréé (« increatus » / « ungeschaffen ») est cependant centrale pour comprendre Dieu et l'homme chez Eckhart. Elle met en lumière le cœur de son œuvre qui se situe dans la naissance de Dieu dans l'âme et non dans le détachement comme on l'a souvent dit. C'est une manière pour le maître rhénan de commenter Genèse 1,26 : « Lorsque Dieu créa toutes les créatures, Dieu n'aurait-il pas auparavant donné naissance à quelque chose d'incréé qui porterait en soi l'image de toutes les créatures ? » interroge Eckhart. Sa réponse tient en une métaphore : l'étincelle (« scintilla animae »). « Cette petite étincelle est si apparentée à Dieu qu'elle est un "un" unique indifférencié et qu'elle porte en soi l'image de toutes les créatures, image sans images et image au-dessus de toutes les images » (« Sermon 22 »). Par « l'étincelle », Eckhart entend ce que l'âme a de plus semblable à Dieu : un « quelque chose d'incré頻, un fond sans fond (« Abgrunt ») dans lequel le Père engendre son Fils comme dans sa propre nature. Par ce quelque chose d'incréé en elle, l'âme est capable de fécondité et devient mère du Verbe, à l'image du Père incréé qui engendre éternellement son Fils en son sein. La maternité de l'âme trouve son principe dans la paternité de Dieu, dans le bouillonnement originaire de la Vie divine. Eckhart développe ainsi une prédication originale : il parle du point de vue de l'éternité, c'est-à-dire à partir de la Trinité en elle-même. Par la fécondité de l'âme, c'est-à-dire par la grâce de l'Esprit incréé, non seulement l'homme devient fils dans le Fils et le même fils, mais encore père dans le Père et le même père.