David PAPOTTO
Certaines autobiographies de la fin du XVIIIe siècle en France, en plus de porter en elles le présentiment romantique de Rousseau, subissent d’autres influences esthétiques et idéologiques fortes. Rétif de La Bretonne et Casanova ont fait le choix dans leurs autobiographies d’une focalisation diégétique autour du désir sexuel -de sa virtualisation à son accomplissement. Les techniques narratives employées à ce dessein rappellent assez clairement une tradition héritée des romans du libertinage. Nous proposons de rapprocher Monsieur Nicolas et l’Histoire de ma vie de deux autres autobiographies de la fin du siècle, moins connues et peu étudiées : Mémoires du poète libertin de Choudart-Desforges et Illyrine ou l’écueil de l’inexpérience de Suzanne Giroux, pour démontrer que le mélange des traditions discursives de l’autobiographie et du libertinage cohabitent dans ces œuvres, lesquelles forment un ensemble générique cohérent autour de la Révolution.
Dans cette perspective, nous utilisons la théorie des Traditions Discursives, remaniement pertinent de la linguistique des genres, qui met l’accent sur l’ancrage sociohistorique des techniques narratives et a l’avantage de ne pas enfermer les textes dans des terminologies restreintes. Les critères d’identification des traditions discursives tenant de disciplines aussi variées que la psycholinguistique et la narratologie, permettent de déployer un large éventail d’outils d’analyse pour opérer notre rapprochement générique. L’étude de l’expression du désir sexuel tend à construire une exégèse linguistique, psycholinguistique, philosophique et sociale. Cet intérêt pour des champs disciplinaires autres que les sciences du texte et de la langue, peut faire d’une étude de prime abord très érudite et circonscrite dans le temps et l’espace, une contribution dont l’ensemble des sciences humaines et sociales pourront tirer profit.