Recherche

Problématique générale

Les recherches de l’axe 3 portent sur les constructions mémorielles et les sacralisations à partir du caractère interdisciplinaire du laboratoire propre, et des représentants des sections 9, 10, 11, 14, 18 du CNU. Cette interdisciplinarité est d’autant plus importante que l’axe 3 se propose de mettre au centre de ses problématiques la question de la mondialisation et de son impact sur les cultures contemporaines, en suivant deux grandes lignes de réflexion :

Opérations de recherche

1. Consécrations littéraires et artistiques

Dans la continuité des études portant sur les héros nationaux et la sacralisation de figures fondatrices pour les mémoires collectives, l’axe 3 oriente actuellement ses recherches vers les phénomènes de consécration littéraires et artistiques. Il s’agit de déchiffrer les enjeux historiques, socio-culturels, esthétiques, idéologiques et politiques qui contribuent à la construction d’une tradition culturelle et qui expliquent les mutations de cette tradition tout au long de l’histoire.

D’une part, les recherches porteront sur les phénomènes historico-politiques qui entrent en jeu dans la construction des différents canons (inclusion et exclusion, norme et transgression), afin d’étudier les diverses modalités et stratégies conscientes ou inconscientes qui conditionnent les processus de construction des histoires littéraires et artistiques – tels que la commémoration, la consécration, la sacralisation et la canonisation, ou encore la censure, l’occultation, l’oubli. Une attention particulière sera accordée aux hagiographies, en tant que modèle(s) anthropologique(s) de narration.

D’autre part, il s’agira d’analyser l’idéologie qui sous-tend la représentation de l’histoire dans les œuvres : constitution d’une mémoire nationale par l’exaltation de certaines figures données comme exemplaires ou vision critique, déconstruction parodique du « roman national », mise en place d’une autre mémoire collective par l’émergence d’un autre discours, celui des oubliés ou des vaincus.

En s’interrogeant sur les interactions entre les dimensions politique, éthique et esthétique des créations littéraires et artistiques, l’axe trois se propose d’analyser les phénomènes de sacralisation et de désacralisation, de commémoration et de profanation, c’est-à-dire les mutations des consécrations dans toute leur complexité : la substitution des objets de sacralisation ou consécration est rarement radicale, de même que les mouvements littéraires ou artistiques ne succèdent pas les uns aux autres par simple opposition. Les travaux sur les conditions qui déterminent ces mutations porteront notamment sur l’époque contemporaine et les sources de notre modernité culturelle occidentale.

2. Imaginaires des langues et identités collectives

Le programme de recherche se propose d’interroger le rôle joué par la représentation littéraire de la langue et du style, comme par le discours littéraire sur la langue et le style, dans la construction des identités collectives. Cet angle d’approche spécifique permet ainsi de revenir sur la manière dont la littérature se construit et se définit par rapport à une entité, la « nation », qu’elle contribue elle-même à forger ou à remettre en question. Si l’objet de la réflexion est donc la production littéraire, envisagée comme l’un des éléments constitutifs de la formation ou de la transformation des identités collectives, les enjeux engagés par cette réflexion supposent néanmoins de croiser différentes approches, historiques tout d’abord (histoire de la littérature, des idées et des représentations), mais aussi rhétoriques, sociologiques et anthropologiques.

Compte tenu des chercheurs en langues, littératures et civilisations étrangères (principalement en 9^e, 10^e et 14^e sections) qui font partie de l’axe 3 COMES, la réflexion devrait trouver un ancrage privilégié dans l’espace littéraire et culturel de la romanité. Dans cet espace, le XIXe siècle et le début du XXe, traversés par l’affirmation des nationalismes et par des réflexions qui croisent les notions de civilisation, de race, de langue, notamment autour de la question de la latinité et du rapport au latin, constitue en effet un cadre chronologique de référence. Dans un contexte marqué par l’essor des idées nationalistes, la conscience linguistique qui s’affirme alors dans les milieux politiques comme dans le champ littéraire, prend une dimension idéologique inédite. Quant aux revendications de « pureté » ou de « purisme », ou à la quête d’une langue « universelle », elles paraissent symboliser et cristalliser les enjeux identitaires des différents pays. Par-delà ce premier ancrage chronologique, la réflexion collective s’attachera aussi à suivre de manière diachronique la relation dialectique qui unit représentation littéraire de la langue (ou discours littéraire sur la langue) d’une part et construction d’identités collectives d’autre part, en étudiant certains moments clefs (séquences de basculement, de cristallisation ou de tensions), dans chacune des littératures et aires culturelles de référence.

3. Écritures du monde

Dans une perspective transdisciplinaire, ce troisième volet s’intéressera à la conscience globale du monde, à la fois comme unité et comme diversité, dans la mémoire littéraire et artistique. Il s’agit également de saisir les modalités par lesquelles les différents genres littéraires et artistiques s’approprient (et produisent) un monde global qui, parallèlement, détermine les changements de paramètres dans la réception des œuvres, et la conception même de ces genres littéraires et artistiques.

La globalisation fait par ailleurs apparaître les figures de l’identité et de l’altérité. La notion de frontière(s) sera dès lors pensée comme espace de transition, comme « tiers-espace » comme l’écrit Homi Bhabha. Les activités artistiques et littéraires ne font pas l’économie d’une référence et d’une réflexion identitaires, puisqu’elles s’élaborent sur ce que H. Bhabha nomme les « terrains d’élaboration des stratégies du soi ». Les signes produits dans ce cadre le sont dans un processus de relation dynamique ou, comme l’écrit Victor Turner, dans un échange performatif, constituant un nouvel espace de « négociation », représentable par ce que Marc Augé appelle une anthropologie des mondes contemporains.

Sur les plans linguistique, littéraire, artistique, anthropologique et/ou esthétique (et même religieux), la marque de la frontière met ainsi en jeu la porosité, l’échange, le mélange, comme pensée de l’émancipation. Il est évident que l’analyse de ce concept n’évite nullement de parler de l’identité à soi, à l’autre et au groupe. Les écritures du monde sont bel et bien celles qui se construisent et qui se produisent sans arrêt dans une société en constante mutation.

Mots clefs 
mémoire ; identité ; interculturalité ; post-colonial ; mondialisation ; globalisation ; sacralisation ; héros ; saint.