Lumière de la foi, lumières de la raison : l’éducation religieuse féminine en débat au 18e siècle
Le colloque international "Lumière de la foi, lumières de la raison : l’éducation religieuse féminine en débat au 18e siècle" se déroulera à Metz les 14 et 15 mars 2016, dans les locaux de la MSH Lorraine (salle de séminaire, 4e étage de l'UFR SHS).
L'argumentaire de l'évènement et l'appel (clos depuis le 30/11/2015) :
« Rien n’est plus négligé que l’éducation des filles ». C’est par ce constat que Fénelon ouvre son célèbre traité De l’éducation des filles (1687). Le seul domaine de l’éducation féminine sur lequel les éducateurs restent vigilants est la religion. La femme, épouse et mère, est au centre du foyer le premier agent de transmission de la foi. À ce titre elle doit recevoir sur cette matière une instruction suffisante. Mais dans une limite raisonnable. Car tous les pédagogues le répètent : la femme savante aspire à sortir de l’état où sa condition l’a placée. Sa nature propre, qui se définit à partir de spécificités physiologiques, rend la femme inapte aux connaissances abstraites. Elle n’en tire en fin de compte qu’une vaine gloire, se rend insupportable à tous, et devient même, dans les cas extrêmes, auteur ! Le dilemme religieux féminin se trouve résumé sous la plume de Fleury dans une formule de type « ni… ni… » : « elles ne doivent ni ignorer la religion, ni être trop savantes » (Traité des études, 1686). La marge, on le voit, est étroite.
Les travaux des historiens des religions (Delumeau, Sonnet, Bernos) fournissent de nombreuses informations sur le contexte culturel : ils renseignent précisément sur les différentes formes d’éducation religieuse féminine possibles selon les conditions et les aires géographiques ; ils détaillent les acteurs, habituellement des femmes, mères de famille, gouvernantes, maîtresses, religieuses ou laïques, les contenus et les méthodes. Beaucoup reste à faire cependant. Seule une étude fine du discours pédagogique, dans les formes et genres choisis en fonction du public visé, permettra de donner une vue nuancée des différentes positions adoptées dans le débat. Malgré les corrections déjà effectuées, c’est principalement le point de vue masculin qui est exposé. Les voix féminines, certes minoritaires, n’ont jusqu’ici pas été suffisamment considérées. Actrices ou observatrices de l’éducation, auteurs de manuels, de traités ou de correspondances, auteurs de fictions éducatives, de romans ou de pièces de théâtre mettant en scène des personnages féminins, les femmes n’ont pas manqué, au long du 18e siècle, de faire entendre leur point de vue. Elles l’ont fait, tantôt d’un point de vue prioritairement pédagogique, tantôt selon une préoccupation essentiellement religieuse. Elles l’ont fait tantôt en reproduisant, plus ou moins, le discours dominant, tantôt en s’en distinguant, plus ou moins ouvertement, recourant le cas échéant à des stratégies de camouflage.
Le but du colloque, qui s’inscrit dans le programme ANR/DFG EDULUM « Éducatrices et Lumières : l’exemple de Marie Leprince de Beaumont » (2015-2017 – MSH Lorraine et Universität Augsburg), est de s’interroger sur les influences qui s’exercent entre pédagogie, religion et féminité. Dans quelle mesure la réflexion pédagogique (sur les contenus, les méthodes, les moyens) porte-t-elle vers une foi non plus soumise, mais éclairée, voire critique ? La question du catéchisme, et plus largement des pratiques de mémorisation passive, est à cet égard centrale. De même que celle de l’accès, direct ou médié, au texte des Écritures, et de sa traduction en langue vernaculaire. Dans quelle mesure, aussi, le traitement pédagogique différencié, conséquence directe des conceptions culturelles (sociales, médicales, théologiques), met-il en question l’égalitarisme évangélique, principe du christianisme, et, selon certains, facteur d’émancipation ? Le « ni… ni… » de Fleury laisse donc poindre une contradiction de taille, qui met en péril un ordre social basé sur une stricte distribution des tâches selon la race, la naissance et le sexe, ordre que la religion a précisément pour fonction de fixer et de sacraliser, comme nous le rappellent les sociologues des religions (Weber, Gauchet).