Philadelphia : Le défi de la fraternité

La mondialisation fait de nous des voisins, mais pas des frères et sœurs. Le web tisse des connexions mais ne nous fait pas entrer dans une relation fraternelle. Interdépendance ne signifie pas encore solidarité. 

La fraternité est une qualité humaine essentielle mais elle n’est pas automatique. Nos sociétés valorisent la compétitivité et l’efficience pratique, et, partant, des rivalités qui compromettent la relation fraternelle. La fraternité n’est-elle pas un défi ? Au frontispice de la Bible, Caïn affirme qu’il n’est pas responsable de son frère… Mais qui est ce frère ? Celui par qui il est uni par les liens du sang ? Jésus dans l’Evangile va beaucoup plus loin, en disant : « Quiconque fait la volonté de Dieu, voilà mon frère, ma sœur, et ma mère. » (Mc.3, 35 ; Mt.12, 50). Il nous donne là une clef de la fraternité : tout être humain est notre frère, quand il se reconnaît enfant de Dieu et vit dans la dynamique trinitaire de la vie nouvelle. Avec l’Incarnation, tout a, en effet, changé : Dieu a pris un visage humain pour nous donner de participer à sa vie. 

La fraternité va bien au-delà des liens biologiques qui ne sont pourtant pas sans signification. 

En l’inscrivant dans la devise républicaine, les révolutionnaires français l’avaient bien compris : la sommation fraternelle s’oppose à la loi de l’inhumain, elle unit dans un destin commun, mais son exigence est telle qu’on la rend bien discrète entre la liberté et l’égalité. 

Les attentats terroristes, les atteintes diverses à l’humanité, à l’autre, à la terre, les discriminations sociales, politiques, raciales, religieuses, la pauvreté qui perdure, etc., tout cela révèle comme par contraste la « soif irrépressible de fraternité » (Pape François, Message 1er janvier 2014) et l’humble force de la philadelphia, cet amour entre frères et sœurs dans la famille naturelle autant qu’humaine. 

En perspective chrétienne, la fraternité apparaît dès lors comme un impératif dont la réalisation est sans cesse différée. Temporisation qui fait écho à la prière sacerdotale de Jésus priant son Père que « tous soient un » (Jn.17, 21). Vocation fondamentale de tout homme et femme, vocation récapitulée en Jésus-Christ, la fraternité situe le chrétien au cœur de la tension eschatologique du Royaume : promesse d’une vie déjà entièrement donnée et sans cesse à actualiser.  Plus encore, pour les chrétiens, la fraternité s’enracine dans la foi trinitaire, elle est originale et ouverte à tous : elle n’est pas tant celle du sang que l’expression de la création nouvelle, manifestée par le Christ qui, par l’Esprit Saint, nous met en relation avec le Père.

Mais qui sont mes frères et sœurs ? Le proche, le lointain, l’homme et la femme, les autres vivants, le cosmos ? Sans doute sont-ce les personnes que tu ne choisis pas et dont la présence t’interroge dans ton devoir de solidarité et de justice : Qui est cet autre ? Qu’en ai-je fait ? Quelle solidarité m’unit à eux ? Pour quelles initiatives ? Et pour nous chrétiens, que signifie la foi en Christ, Fils du Père et frère en humanité dans l’Esprit ? Qu’est-ce qui caractérise la fraternité évangélique d’hier à aujourd’hui ? Et comment se traduit-elle ? 

En faisant le choix de la fraternité, le colloque de Strasbourg ne propose pas simplement un choix thématique, mais une clé qui, dans la fraternité en Christ, ouvre l’espérance d’une humanité enfin réconciliée, tout en passant par le concret d’une fraternité vécue dans la solidarité au quotidien qui reste à inventer.

Les conférences plénières aborderont cinq thèmes majeurs, tandis que les ateliers offriront l’opportunité de décliner la fraternité dans toutes les conjugaisons de la théologie (bible, patristique, dogmatique, ecclésiologie, vie religieuse) mais aussi dans ses liens avec la politique, le social, l’économie, le caritatif, la pauvreté, le droit, la santé, la géopolitique (migrations), l’environnemental, le gender, la famille, l’œcuménisme, l’interreligieux, l’institutionnel, le travail, etc. Les conférences plénières nous amèneront à explorer d’abord l’actualité du concept de fraternité, puis sa mise en perspective historique (ses sources bibliques) et théologique (patristique et dogmatique), ses implications républicaines (son urgence politique) et œcuméniques, ses enjeux environnementaux et humains. 

Date(s)
Lieu
Université de Strasbourg – Amphithéâtre Cavaillès
Organisateur(s)
Association européenne de Théologie Catholique - AETC, Faculté de Théologie Catholique de Strasbourg, Université de Strasbourg, Centre Européen d'Enseignement et de Recherche en Ethique - CEERE, Centre Universitaire de Théologie Catholique de Metz