Approche du prophétisme en histoire des religions

Pendant de nombreux siècles l’Occident n’a connu du prophétisme que ces saints personnages de la Bible dépeints comme des sages en méditation, des rabbins rappelant les règles de la Torah ou des professeurs d’université enseignant l’unique message que l’Eglise retenait d’eux : l’annonce de la venue du Messie. Il fallut attendre la fin du xixe siècle pour que la recherche historique dégage les prophètes hébreux de cette image d’Epinal. Mais cette exégèse historico-critique d’inspiration protestante défendait encore l’éminente spécificité des prophètes de l’Ancien Testament, en qui elle voyait les prédicateurs inspirés d’une éthique sans concession, contestataires charismatiques des classes dirigeantes et du culte sacrificiel, véritables archétypes du pasteur réformé. Le texte biblique ne manque pourtant pas d’indices permettant de restituer avec un bon degré de vraisemblance les caractéristiques sociologiques et comportementales du prophétisme hébreu avant sa normalisation canonique. Ses formes étaient variées et ne différaient guère de celles observées dans l’ensemble du bassin oriental de la Méditerranée antique. On peut maintenant les rattacher à un phénomène dont les grandes lignes sont connues depuis le début du iie millénaire et jusqu’au début de notre ère.

Il apparaît clairement que la figure traditionnelle du prophète juif résulte d’une construction théologique qui se fit avec l’instauration du monothéisme exclusif et l’élaboration du corpus biblique. La déconstruction de ce modèle met en œuvre trois axes de la recherche en sciences humaines qui ont abordé la question du prophétisme sous des angles divers depuis une cinquantaine d’années. L’archéologie tout d’abord, qui mit à jour de nombreux textes prophétiques et divinatoires produits par les cultures du Proche-Orient ancien, mais aussi dans le monde grec ancien, duquel nous avons hérité le mot « prophète ». L’exégèse historico-critique en second lieu qui, dans un foisonnement de travaux érudits, dégage peu à peu les grandes lignes d’élaboration du texte biblique ainsi qu’une histoire religieuse des origines du judaïsme. La sociologie enfin, qui s’est penchée depuis les décennies d’après-guerre sur les expressions contemporaines du phénomène prophétique et sur les mouvements de révolte à caractère messianique, avec les travaux fondateurs de Vittorio Lanternari et d’Henri Desroche, suivis par des historiens tels que Norman Cohn, pour ne citer que les initiateurs. Poursuivis par les recherches actuelles sur les prophètes africains et sud-américains, ces travaux mettent en évidence les dynamiques sociales qui favorisent l’émergence de figures prophétiques et de mouvements de dissidence inspirés par un imaginaire religieux. Ces approches du phénomène dans le monde contemporain mettent en évidence son ancrage social en contexte de crise en dehors duquel le prophétisme est incompréhensible à l’historien et au sociologue, et reste une pure construction théologique.

Date(s) début - fin
Lieu
CAEPR Metz, Avenue Jean XXIII
Organisateur(s)
Jean-Marie Husser (Université de Strasbourg, Centre Archimède)