Autour de Plutarque « Pourquoi la Pythie ne rend plus ses oracles en vers »
Qui est l’auteur(e) de la parole prophétique ? Paroles de dieu et de prophétesses dans le traité Pourquoi la Pythie ne rend plus ses oracles en vers de Plutarque.
Avec les songes, les oracles sont, dans la religion gréco-romaine, les seuls cas de révélation directe. C’est pourquoi lorsque Philon d’Alexandrie entreprend de traduire en langue grecque le prophétisme mosaïque, il le fait à partir les termes associés à la tradition oraculaire. Il s’agit pour lui de décrire la transmission d’une parole divine dont Dieu est l’auteur et que le prophète transmet de façon purement passive. Cependant, s’agit-il ici d’une simple transposition de la compréhension antique des conditions de la parole oraculaire au contexte du judaïsme de langue grecque ? La situation n’est pas si simple : si la poésie pouvait représenter la vaticination comme une possession au cours de laquelle le dieu parle à la place du devin, il n’en était pas nécessairement ainsi chez les philosophes favorables à la divination oraculaire : ils ne pouvaient admettre que le dieu soit l’auteur direct et unique des oracles, sans donner prise au scepticisme né de leur fréquentation plusieurs fois centenaire. C’est pourquoi, il était nécessaire d’élaborer une conception de l’inspiration oraculaire, qui, tout en préservant l’initiative et la causalité divine, fassent du devin l’auteur de sa mise en parole. Le traité de Plutarque Pourquoi la Pythie ne rend plus ses oracles en vers est, à cet égard, particulièrement représentatif : l’enthousiasme mantique n’y est plus décrit comme une pure réceptivité, mais comme une impulsion divine, s’adaptant d’ailleurs aux publics et aux circonstances historiques, que l’âme de la prêtresse interprète à partir de ses facultés propres.
Suzanne Husson est l'auteure de La République de Diogène. Une cité en quête de la Nature, Paris, Vrin, 2011 et a dirigé le collectif Interpréter le De Interprétatione, Paris, Vrin, 2009.