L'épigramme latine dans la polémique religieuse à la Renaissance. L'offensive lorraine (1584-1587)
Séminaire 2008-2009
L'épigramme latine dans la polémique religieuse à la Renaissance. L'offensive lorraine (1584-1587)
Programme de recherche 2 Langues, textes et documents
Contrairement à la plupart des genres poétiques de l’Antiquité, l’épigramme n’a pas été redécouverte à la Renaissance. Sous sa forme satirique, elle n’a sans doute jamais disparu, dans la mesure où l’esprit critique se manifeste volontiers par une brièveté railleuse et le goût de la pointe. À Rome ou ailleurs, qu’il s’agisse de pasquils antipapistes ou de refrains triviaux, on rencontre la verve épigrammatique bien avant la Réforme. Mais il est vrai que la question religieuse et les antagonismes qu’elle a suscités ont aiguisé l’inspiration et produit une littérature aussi agressive que légère, cherchant moins à peser sur les consciences qu’à décocher des traits et à piquer l’amour-propre. L’épigramme est devenue en ce sens un exercice redoutable.
On en mesure la portée au début des années 1580, après la publication à Genève des Icones et Emblemata de Théodore de Bèze. Se situant sur le même terrain, les milieux catholiques ont réagi aussitôt. Les jésuites de Cologne publient dès 1582 le superbe recueil d’Epigrammata in haereticos qu’André des Freux, un religieux de leur compagnie, a composé trente plus tôt contre Luther et qui est resté inédit. En 1584, le juriste lorrain Pantaléon Thévenin, qui fréquente le collège des jésuites de Dillingen, lance à son tour un opuscule d’Epigrammata de haereticis dans lequel, tout en
s’interrogeant sur l’opportunité d’entretenir le feu par la poésie, il propose une méthode d’écriture épigrammatique destinée aux collégiens. Son retour en Lorraine en 1587 coïncide avec la réédition mussipontaine du recueil d’André des Freux, à laquelle il a peut-être contribué. Loin de Martial et de Catulle, l’épigramme se brandit dangereusement.