Notre travail s’inscrit dans la perspective du questionnement phénoménologique par voie génétique et herméneutique à travers la question suivante : comment l’être-là-avec constitue-t-il la condition de possibilité du phénomène pur qu’est le Dasein ? En d’autres termes, comment l’être-là-avec, qui est lui-même une manière d’être-au-monde (un mode d’être), est-il constitutif de l’être du Dasein (l’être-là), lui-même étant une manière d’être-là au-monde ? Comment l’être-là-avec est le fondement transcendantal de l’être-là, Mutatis muntandis, comme le phénomène est constitutif de l’être de l’étant sans quoi, il n’y aurait pas de Dasein du tout ou, pour le dire en langage heideggérien, en dehors duquel nous serions face à l’impossibilité primordiale de l’existence du Dasein, et partant devant l’impossibilité de sa mort certaine, puisque celle-ci serait impossible si le Dasein n’existait pas, faute d’être-là-avec ? Nous plaçant dans la perspective de la phénoménologie heideggérienne, nous analyserons donc l’être-là-avec par la voie de l’interprétation du corpus de Heidegger en partant de ses premiers écrits<Frühe Schriften> antérieurs à Etre et Temps. De là, nous ferons la généalogie de l’apparition du concept de Mitdasein/Mitsein dans la pensée heideggérienne. Nous demandons : comment est né le Mitdasein chez Heidegger ? Quelle est sa force, et partant sa prospérité, sa pertinence et sa légitimité  dans son lieu d’émergence ? Comment a-t-il évolué jusqu’à sa disparition éventuelle à un moment donné dans  la pensée de Heidegger ? Cela donnera lieu à une herméneutique lexicographique plus vaste incluant des notions apparentées au Mitsein/Mitdasein. Celles-ci ont dû servir de matrice conceptuelle préparatoire à l’élaboration du Mitdasein/Mitsein avant que le philosophe ne s’en soit séparé, par décision volontaire, pour une raison d’option philosophique et/ou de position idéologique que nous essaierons d’élucider. De toute évidence, nous nous plaçons d’un point de vue herméneutique sur fond de méthode génétique et phénoménologique et non pas d’un point de vue simplement linguistique. Ainsi  à l’étape de l’analyse des structures du Mitdasein après celle de la mise au jour de la généalogie du concept de Mitdasein/Mitsein, nous élargirons l’application de la méthode génétique à divers écrits de Heidegger dans une perspective évolutive mettant en lumière la continuité ou la discontinuité des significations que le philosophe assigne au mode d’être de l’être-là-avec,  à ses structures constitutives et/ou fondamentales, à son caractère fondamental et à ses principaux modes de manifestation, c’est-à-dire les manières dont le Dasein manifeste son caractère constitutif d’être-là-avec au-monde. Nous tenterons donc d’aller au-delà de l’analyse stricto sensu de la formation du Mitdasein en son origine effective pour interpréter, dans une perspective d’herméneutique comparative, la formation et la signification progressives de ses structures et de ses modes de manifestation.

            Succinctement, notre étude s’articulera autour de trois parties :

            Premièrement, nous analyserons génétiquement la formation et les significations du concept Mitdasein, de ses structures ainsi que le caractère ontologique radical tant du Mitdasein que de ses structures. In fine l’évolution de la conception heideggérienne de l’être-avec.

            Deuxièmement, nous poursuivrons notre analyse par l’articulation du Mitdasein avec le langage, la tonalité affective et la mort en lien avec la résolution anticipative et l’ipséité. C’est la partie réservée à l’étude des principaux modes de manifestation de l’être-là-avec.

            Troisièmement, nous entreprendrons la connexion entre les deux modalités du langage et de l’affectivité en rapport avec le mode d’être du Mitdasein afin de découvrir la possibilité ou l’impossibilité de l’existence d’une modalité fondamentale en tant que mode de manifestation prioritaire de l’être-là-avec. Cela nous permettra de procéder à une critique proprement dite de la phénoménologie de l’être-là-avec dans la pensée de Martin Heidegger.