L'invention de l'original : tradition falsifiée ou traduction délivrée?

Une traduction fictive (ou pseudo-traduction) est un texte qui, ayant été directement écrit dans une langue, se présente comme traduit d’une autre, réelle ou imaginaire. L’invention d’un original fictif et la revendication d’une langue étrangère agit d’abord comme une garantie de vérité : vérité historique d’une langue ancienne ou vérité philosophique d’une langue sacrée. Ainsi par exemple de l’Éphéméride et L’Histoire de la destruction de Troie ou encore du Corpus Hermeticum. En ce sens la pseudo-traduction est une falsification de la tradition puisqu’elle ajoute frauduleusement des œuvres inexistantes aux bibliographies officielles.

Mais derrière la fiction d’un original à qui l’on confère le prestige de ces langues, il s’agit aussi souvent, notamment dans le genre romanesque, de promouvoir une création littéraire neuve. La traduction supposée, en attestant un texte dont l’origine se refuse dans le même moment, semble alors permettre de revendiquer un héritage, de s’inscrire dans une tradition, tout en s’en affranchissant par le jeu d’une fiction. L’artifice qui consiste, d’une certaine manière, à faire de l’original une page blanche libère le « traducteur » de l’emprise de la lettre et lui autorise toutes les inventions. Ici réside finalement le charme des pseudo-traductions, qui s’infiltrent dans les blancs de la mémoire culturelle pour engendrer l’écriture.

Louis Watier est docteur en littérature comparée, spécialiste de traductologie, auteur notamment de La Traduction fictive : motifs d’un topos romanesque, 1496-1617, Genève, Éditions Droz, « Travaux d’Humanisme et Renaissance » (à paraître).

Date(s) début - fin
Lieu
Metz - Ile du Saulcy - UFR SHS - salle E 109 | 18h15-19h45
Organisateur(s)
Louis WATIER (Univ Lorraine)