" La théorie du flux chez Albert le Grand "
Sébastien Milazzo
Directeur(s) de thèse
Marie-Anne Vannier, Andreas Speer (cotutelle)
Composition du jury
  • Yves MEESSEN, maître de conférences, université de Lorraine
  • Klaus REINHARDT, professeur des Universités, université de Trèves (Allemagne), rapporteur du jury
  • Christian TROTTMANN, directeur de recherche, CNRS-Dijon, rapporteur du jury
  • Andreas SPEER, professeur des Universités, université de Cologne (Allemagne), co-directeur de thèse
  • Marie-Anne VANNIER, professeur des Universités, université de Lorraine, directrice de thèse
Date et heure de soutenance
Résumé

L'objet de cette étude concerne un langage de la procession et de la création trop longtemps oublié dans le contexte de la réception du néoplatonisme et de l'aristotélisme au xiiie siècle: celui du fluxus, ou écoulement, chez Albert le Grand (1200-1280). Nous proposons ici la situation descriptive, historique et philosophique du texte dans lequel le Doc tor universalis expose sa théorie du fluxus : le De fluxu causatorum a causa prima et causarum ordine, quatrième traité du De causis et processu universitatis a prima causa (1264-1267). La doxographie albertinienne, loin d'être une succession de digressiones ou encore de simples paraphrases des opiniones antiquorum, apparaît comme la formation d'une véritable conscience de l'histoire de la philosophie, de sa continuité et des ses ruptures. Plus encore, la doxographie albertinienne a pour fonction de répondre à des problématiques issues non seulement du passé mais aussi du monde contemporain à notre Doctor universalis: car, en effet, à travers la critique du panthéisme d'Hermès Trismégiste ou encore du matérialisme d'Ibn Gebirol, c'est bien l'horizon d'une critique du panthéisme matérialiste de David de Dinant et du panthéisme formaliste d'un Amaury de Bène qui se profile. Nous proposons, en outre, une traduction de travail de ce texte ainsi que son commentaire philosophique linéaire. Albert définit le jluxus comme emanatio et comme processio. Le flux est semblable à une rivière s'écoulant d'une source: la source se distingue de la rivière, pour autant, l'eau reste la même tant en amont qu'en aval. Le flux pose la question de la relation du Premier Principe avec les réalités qu'il crée. C'est là un problème pour le théologien qu'est Albert : comment exprimer une terminologie de la procession qui puisse tenir à la fois une distinction radicale entre Dieu et la Création d'une part, et la possibilité d'une communicabilité - d'une communion?- entre ces deux parties d'autre part? Comment Albert réussira-t-il, tout philosophe qu'il est, à résoudre l'articulation d'une théorie crypto-néoplatonicienne de la procession à une théorie chrétienne de la procession? Ne risquerait-il pas de tomber précisément dans l'écueil de l'hermétisme qu'il critique où la procession n'est que la pénétration du Premier Principe avec le réel jusqu'à s'y confondre? Bref, comment la Création peut-elle procéder de Dieu sans s'y confondre? Originellement métaphysique, la théorie du fluxus sera également appliquée à la théologie trinitaire et à l'ecclésiologie du Maître Colonais: le fluxus deviendra alors un concept clé de la théologie d'Albert le Grand et de l'école dominicaine allemande.