Tong Yu
En 1913, au moment où André Gide achève la rédaction des Caves du Vatican, œuvre romanesque d’un nouveau type, qu’il choisira finalement de désigner comme une « sotie », Jacques Rivière publie pour sa part son essai sur Le Roman d’aventure, où il définit l’aventure comme « ce qui advient, c’est-à-dire ce qui s’ajoute, ce qui arrive par-dessus le marché, ce qu’on n’attendait pas, ce dont on aurait pu se passer », et le « roman d’aventure » lui-même comme le « récit d’événements qui ne sont pas contenus les uns dans les autres ». Cette notion d’aventure apparaît ainsi comme une notion à la fois structurante et éclairante pour approcher l’œuvre de Gide en général, mais aussi ses choix et ses engagements dans sa vie comme dans son œuvre, au plan éthique comme au plan esthétique, bien au-delà de la période d’écriture des Caves du Vatican. Cette notion permet en effet de rendre compte d’un cheminement éthique et de la réflexion philosophique menée par Gide autour des notions de liberté, de nécessité, de contingence, de curiosité, de disponibilité, des Nourritures terrestres jusqu’au Voyage au Congo en passant par Paludes et Le Prométhée mal enchaîné. Elle permet aussi de bien comprendre la logique qui conduit Gide à renouveler l’écriture romanesque, d’un livre à l’autre, pour passer des « récits » et des « soties », au tournant du XIXe siècle et du XXe, aux Faux-monnayeurs, le seul de ses livres que l’écrivain a assumé de présenter comme un « roman ».