Poursuivant les travaux de Brémond et de Michel de Certeau, mon projet se propose de formaliser une « grammaire » mystique transnationale, c’est-à-dire les règles et les principes présidant l’écriture dite mystique des XVIe et XVIIe siècles. Postuler l’homogénéité de ces textes peut sembler paradoxal puisque la mystique, au sens d’une union sans médiation à Dieu, se caractérise par la singularité du récit de l’expérience individuelle qu’elle offre. Pourtant, le postulat de Brémond d’une « invasion mystique » dans la France du XVIIe siècle suggère bel et bien une impulsion commune à l’origine de ces textes, au-delà de leurs singularités et de leurs disparités linguistiques. Cette formalisation reposera sur une définition de la mystique comme expérience de la parole, comme l’a établie La Fable mystique de Michel de Certeau. Si la mystique est une théorie et pratique de la langue, il sera nécessaire de construire une armature avant tout poétique, sans pour autant négliger de possibles interférences avec une cohésion plus dogmatique et chrétienne. J’adopterai également une démarche comparatiste afin de dégager une cohésion poétique, au-delà des disparités nationales. Sans tomber dans l’univocité ou la systématisation, je souhaite donc constituer une somme poétique de la littérature mystique européenne (Espagne, France, et terres de langue allemande) de la première modernité, qui en recensera les codes propres, participant ainsi à la construction d’un « mouvement » littéraire.