Shaimaa Al-Goberi Abed Alkeder Yousif
M. Jean-Michel WITTMANN | Université de Lorraine | Directeur de these |
Mme Sylvie FREYERMUTH | Université du Luxembourg | Rapporteur |
Mme Thanh-Vân TON-THAT | Université Paris-Est Créteil Val de Marne | Rapporteur |
M. Frank WILHELM | Université du Luxembourg | Examinateur |
Au milieu des années 1920, avec la publication des Faux-monnayeurs, l’œuvre romanesque d’André Gide prend une dimension sociale et même politique, le roman posant clairement la question de la place des corps étrangers dans le corps social, lui-même pensé comme un tout indivisible et figé par les écrivains et les penseurs nationalistes auxquels il s’est opposé, comme Maurice Barrès, Charles Maurras ou Paul Bourget. Il s’agit pour Gide de plaider en faveur d’une catégorie singulière d’individus, en l’occurrence les homosexuels, mais sa réflexion, de portée plus générale, pose bien la question de la place des minorités et de l’acceptation de la différence par les normes sociales. Dès lors, la question de l’émancipation individuelle est abordée par Gide non plus sur le plan moral seulement, mais sur le plan social ; perspective qui va se retrouver également un peu plus tard dans la trilogie romanesque de L’École des femmes. À partir de ce constat, il s’agirait de repenser la question de l’émancipation individuelle dans l’œuvre de Gide, dès ses premières œuvres, sous l’angle social, en étudiant la manière dont son œuvre esquisse une réflexion sur les formes et les enjeux de la domination sociale exercée aussi bien sur les homosexuels que sur d’autres groupes sociaux : plaider la cause des homosexuels l’amène par exemple à reconsidérer la place des domestiques dans une société bourgeoise qui les relègue également à la marge, voire à se poser la question de la place de la femme dans la société bourgeoise. La thèse se focalisera plus particulièrement sur :
- la représentation des Arabes dans des œuvres comme L’Immoraliste ou, plus tard, Si le grain ne meurt : l’un des paradoxes de l’émancipation telle que l’a vécue et écrite Gide étant que l’affirmation de sa différence et de son droit à « vivre selon sa nature » s’est faite grâce à des jeunes gens, au Maghreb, qui se trouvaient de fait en position de dominés (économiquement et politiquement) face à lui qui incarnait la classe dominante (en tant que grand bourgeois en voyage dans l’Algérie française) ; il s’agira donc d’explorer ce paradoxe mais aussi de suivre l’évolution du regard porté par Gide sur ces dominés;
- la représentation des homosexuels en tant qu’elle conduit à poser la question de la domination sociale, par exemple lorsque Gide esquisse un parallèle entre l’enfant homosexuel et les bonnes, tous relégués au fond de l’appartement par une société bourgeoise qui nie leurs droits en tant qu’individus ; il s’agira dès lors de voir comment la perspective sociale s’enracine dans une revendication, au départ, strictement morale et limitée à un type d’individu, voire à lui seul;
- la représentation des femmes, elle aussi déterminée, à l’origine, par la question de l’homosexualité, dans un parcours qui semble conduire d’une vision de la femme comme obstacle à l’épanouissement individuel (l’épouse ou la mère dépositaire des valeurs bourgeoises) à une vision qui conduit à la représenter comme elle-même entravée dans son épanouissement social, par les valeurs de cette société.