La question de l’entre-deux est ici développée en direction de l’art du bassin caribéen et prend forme au cœur d'une pratique plastique personnelle qui s’appuie sur l’idée qu’au regard des spécificités propres au processus de construction des œuvres plastiques, il est tout à fait envisageable d’amorcer une recherche définissant l’art de la Caraïbe à partir d’hypothèses basées sur la notion d’intermédiaire. S’il fallait aborder cette problématique à travers une sélection d’œuvres contemporaines caribéennes en ne soulignant que ce qui les caractérise sur le plan formel, comparé à d’autres issues d’espaces géoculturels éloignés, cela constituerait un défaut de considération de la différence, s’appuyant sur l’idée que dans le fond, ce qui sous-tend les processus de création, les postures contextualisées et la dimension historique, créent de la distinction. L’entre-deux est articulation ; concept ubique, transversal et dynamique, il est omniprésent tant dans l’art caribéen que dans sa relation à l’objectal et au banal, imprégné de traces mémorielles, il génère sous moults aspects, un jeu de continuité-discontinuité renouvelé par l’acte créateur. Ce qui importe dans cette approche n’est pas davantage le résultat que les multiples voies empruntées pour faire état de regards multiples. Le produit de cet art n’est autrement caractérisé que par la diversité de ses origines qu’il convient d’examiner pour en cerner les contours. Des concepts sous-jacents comme le détournement, la contradiction et le raccommodage y sont considérés en connivence du sujet questionné pour leur caractère récidivant cependant toujours changeant et distancié de la posture des artistes. À travers le traitement de ces idées, les artistes affirment la conscientisation d’une identité caribéenne en cours de définition. De manière consciente ou non, l’habitus est au cœur de l’œuvre pensée, visualisée, définie et vécue ; il s’en dégage des traductions plastiques de l’arrière-cour, lieu par essence de l’acte de création rattaché au contexte du plasticien. En sa qualité de créateur, il est confronté à des rapports conjugués de même qu’à sa propre caribéanité parfois teintée de spiritualité. Compte-tenu de l’espace géographique à l’étude, il est d’autant plus immédiat que les mises en relation s’effectuent au regard des partages de langues, de cultures et d’idéaux. L’espace de l’ici est comme mis en abyme et ne se fonde pas sur une logique conventionnelle d’espace-temps, de langue et de culture. Tumelo Mosaka définissait la Caraïbe comme étant une île infinie ; ce qui renforce l’idée que pour nos sociétés insulaires à l’heure du décolonial, l’art ne peut s’appréhender en faisant abstraction du circonstanciel historique, symbolique, religieux, politique et social. Des œuvres sélectionnées et citées en référence, fondamentalement hybrides et contrapuntiques, émergent des croisements. Ces points de jonction sont les réservoirs de l’espace poïétique ; considérant le nombre de facteurs habituellement relégués au second plan, il s’introduit une stratégie inversée de lecture des œuvres d’art, lesquelles entrent en interaction continuelle avec le mi-lieu. À la lumière de ces pratiques référentes, s’établit un champ expérimental d’idées soumises aux variations de densité des postures de l’entre-deux des pratiques artistiques contemporaines de la Caraïbe.