"Le symbole et le mythe dans l’œuvre romanesque francophone d’Amin Zaoui "
Sabrina Samer Babouri
Nom (lien)
Directeur(s) de thèse
Dominique RANAIVOSON (Ecritures, UL) ; Fatima-Malika BOUKHELOU (Université Mouloud MAMMERI de Tizi-Ouzou (Algérie))
Résumé

Malgré l’évolution qu’a connue l’homme en termes d’intelligence, de développement intellectuel et de rationalisme, il n’en demeure pas moins que le mythe et le symbole, artefacts de la pensée primitive et ancêtres des sciences, sont toujours vivaces dans la pensée contemporaine, ils n’ont même jamais été aussi présents et puissants, ils investissent des domaines aussi variés que le politique, la publicité et la psychiatrie et la biologie pour ne citer que ceux-là. Aussi, l’une des meilleures voies pour accéder à la psyché d’une communauté n’est-elle pas de s’initier à sa littérature.

C’est ce que nous souhaitons mettre en pratique concernant l’Algérie à travers un de ses auteurs. Pays peu connu culturellement au niveau international, nous nous proposons d’analyser l’œuvre francophone de l’écrivain Amin ZAOUI pour connaitre davantage la culture et la psyché de sa communauté. Nous avons choisi Amin Zaoui car son écriture profondément mystique, symbolique et mythique nous paraît offrir le corpus idéal pour une étude mythocritique et mythanalytique. Nous formulons en effet l’hypothèse que l’étude du symbole et du mythe de cet auteur nous permettra d’accéder à l’imaginaire de la communauté algérienne.

Amin ZAOUI est né en 1956 à Tlemcen (Algérie). Il est docteur en lettres françaises, universitaire, conférencier mais aussi producteur et animateur de télévision.  Il est également depuis 2014 chroniqueur au journal francophone algérien Liberté où il a rédigé plus de trois-cent-quatre-vingts articles traitant de sujets sociaux, politiques, historiques et surtout du religieux. En tant qu’écrivain, il a publié des romans et des nouvelles en français et en arabe ainsi que des essais sur ces mêmes thèmes. Ses œuvres sont publiées simultanément en Algérie aux éditions Barzakh et en France aux éditions Le serpent à plumes. 

L’imaginaire de l’auteur puise dans les schémas les plus fondamentaux et les plus primitifs de la psyché humaine puis les redispose dans son univers créatif intérieur, engendrant des récits et des situations protéiformes, à la fois novatrices et nourries d’images archaïques qui sont tantôt fidèlement reprises ou revisitées, tantôt déformées ou totalement renversées.

Notre analyse s’appuiera sur les principes de l’exégèse littéraire et phénoménologique, précisément sur l’herméneutique de Gaston Bachelard, l’anthropologie des religions et des rites, du sacré et du profane de Mircea Eliade, la mythocritique développée par Gilbert Durand et la psychologie des profondeurs de Carl Gustav Jung. Nous proposons de mener une étude précise et la plus complète possible des archétypes qui constellent cet imaginaire ainsi que de leur résonnance symbolique dans l’ensemble de l’œuvre francophone de l’auteur. Nous souhaitons également relever les caractéristiques stylistiques de l’écriture d’Amin Zaoui, précisément sa façon de faire réapparaître les symboles et les mythes dans une œuvre personnelle. Parmi ces caractéristiques, citons la narration toujours à la première personne du singulier, la multiplicité des suites pour une même intrigue, souvent contradictoires et se déroulant à des époques et en des lieux différents, une onomastique florissante et multiple pour un même personnage, une défiance et une profanation crue du sacré, ce dans un pays où de tels écrits peuvent coûter la vie à l’auteur. 

En effet, dans l’univers des auteurs francophones algériens, Amin Zaoui semble se singulariser par un statut particulier. Il est celui qui pousse à son paroxysme l’évocation des mythes et semble opposer des mythes anciens à ce que nous proposons d’appeler les « faux » mythes fondateurs proposés par les autorités (c’est nous qui mettons entre guillemets). Amin Zaoui aborde les symboles et mythes de façon obsessionnelle, comme pour rendre compte de l’aliénation dans laquelle la population est plongée par l’occultation de son identité et pour démontrer qu’on ne peut taire un mythe fondateur authentique sans qu’il n’apparaisse sous d’autres formes. Le style d’Amin Zaoui se caractérise également par sa virulence et sa violence, ce qui serait l’expression de la violence de l’imposition de la bigoterie islamiste comme modèle de citoyenneté. L’auteur démontre tout au long de ses romans que les rituels anciens, aussi bien du judaïsme, du christianisme que des paganismes divers (berbères, africains, pharaoniques …) sont encore vivaces dans le quotidien de la population sans que cette dernière n’en prenne conscience. En définitive, pour lui, le mythe est omniprésent dans tous les aspects de la vie du pays et son occultation/remplacement ne font que redoubler de sa puissance et de sa présence.

Concernant la méthodologie, notre démarche sera holistique. La mythanalyse et la mythocritique partent en effet du collectif pour expliquer l’individuel. Ces théories puisent dans l’inconscient collectif présent et surtout ancien d’une communauté ou de l’humanité entière pour comprendre la production linguistique, corporelle, intellectuelle et artistique d’un individu ou d’un groupe. 

Notre démarche est justifiée par le fait que l’œuvre d’Amin Zaoui n’ait, à notre connaissance jamais été soumise à la mythocritique (Nous ne connaissons que l’article non publié de M-F BOUKHELOU : « Mythe, conte et parodie comme stratégies de subversion dans Le Dernier Juif de Tamentit d’Amin Zaoui »). Nous prétendons ouvrir avec ce travail de nouvelles pistes de compréhension de son œuvre. Nous souhaitons explorer son œuvre car c’est un auteur prolifique et engagé qui fait partie des rares intellectuels à prendre des risques en abordant des thématiques sur lesquelles la société algérienne a besoin de débattre.

Plan provisoire de travail

Dans un premier temps, nous tenterons de conceptualiser la terminologie nécessaire à l’analyse puis dans un second temps, nous recenserons et établirons différents classements des symboles et mythes des œuvres : en fonction des interprétations ; des personnages et des objets entourant ces derniers (les personnages principaux ont des animaux et plantes associés entre autres), classements en fonction des archétypes auxquels ils renvoient ; de leurs occurrences (nous ferons pour cela appel au logiciel de lexicométrie Hyperbase), des régimes durandiens et jungiens, de l’onomastique, etc. Nous les analyserons aussi bien en fonction du répertoire d’interprétations dont dispose la mythocritique (dictionnaires des symboles, Les structures anthropologiques de l’imaginaire…) que des contextes historiques, anciens et contemporain, algérien et international.

Dans un troisième temps, l’analyse consistera à former des réseaux symboliques et mythiques à partir de ces figures lexicales et énoncés recensés et classés précédemment, réseaux que nous confronterons aux littératures algérienne/nord-africaine (littérature orale, rites locaux) et aux grands mythes connus de la littérature mondiale.

Enfin, une partie importante sera consacrée à l’étude du style de l’auteur et à sa façon de déployer le mythe et le symbole. En effet, il les aborde souvent avec la simplicité des anciens textes et parfois avec un intellectualisme abstrait. Nous tenterons de comprendre les raisons de l’implication de ces deux techniques.

Notre démarche aboutira à démontrer que le mythe chez Amin Zaoui tend à illustrer aussi bien la spécificité de la psyché collective algérienne/nord-africaine que son enracinement dans l’universel.

Domaine de recherche, publications :

  • Littérature
  • Anthropologie
  • Psychologie
"Les lieux dans l'oeuvre de Jean-Marie Gustave le Clézio "
Mohamed Daw
Directeur(s) de thèse
Jean-Michel Wittmann (UL)
Composition du jury

M. Jean-Michel WITTMANN Université de Lorraine Directeur de thèse

Mme Béatrice BLOCH l'Université de Poitiers Rapporteure

Mme Sylvie FREYERMUTH Université de Luxembourg Rapporteure

M. Nicolas BRUCKER Université de Lorraine Examinateur

Date et heure de soutenance
Lieu de soutenance
Visioconférence
Résumé

Engager la réflexion sur les lieux dans un roman est très important, mais aussi très difficile, car elle se situe à tous les niveaux textuels. C’est pourquoi, lorsqu’on cherche à comprendre un roman, il ne faut pas se contenter de décrire les lieux, il faut aller au-delà et saisir ce qui organise l’espace et lui confère un rôle d’actant. Autrement dit, le lieu désigné n’est jamais un élément neutre ou insignifiant. Cette évidence apparaît avec force à la lecture de l’œuvre de Le Clézio. Parler des lieux chez l’auteur, c’est en effet parler d’un espace complexe, aux dimensions multiples et variées (littéraire, sociologique, politique, philosophique…), c’est, en fait, réfléchir sur les relations que le texte institue entre tous ses éléments et qui contribuent à donner du sens au récit. Sur ce plan, il se dégage de l’œuvre leclézienne une récurrence d’un livre à l’autre de quelques lieux puisés dans le vécu de l’écrivain, portant témoignage d’une époque et décrits d’une manière poétique, parfois avec fureur. Ces lieux peuvent se décliner en trois espaces : le Désert, la Ville, la Mer. Ce sont là les thèmes obsessionnels du romancier-poète que l’on retrouve en parcourant sa production littéraire. Ces trois sujets porteraient en eux une dualité : la nature opposée à la civilisation. Le Clézio est attiré par les vastes étendues, par les espaces immenses et illimités, ces lieux originels, où tout est pur, non usés par la durée du temps et non marqués par l’intervention de l’homme : c’est le désert, c’est la mer. À ces espaces mythiques s’oppose la civilisation occidentale incarnée par la société urbaine, une société dépeinte négativement : espace découpé, sectorisé en quartiers, la société urbaine, c’est-à-dire la ville, reflète les divisions et les inégalités sociales ; elle représente l’endroit où les hommes sont enfermés, privés du contact avec la nature et avec les autres. Cette dichotomie entre deux mondes fait penser qu’il ne peut exister de compromis entre la nature et l’humanité. Or, rien n’est moins sûr. La pensée leclésienne comporte en effet plusieurs niveaux de lecture et soulève de nombreux questionnements : - Est-il vrai que Le Clézio essaye de nous introduire dans un univers scindé en deux : l’un bon, gardant ses liens avec le sacré, le mythe ; l’autre mauvais, illustré par la ville labyrinthe et l’excès de la modernité ? - Assistons-nous plutôt à une approche poétique des lieux ? - Le but de Le Clézio n’est-il pas de peindre sa vision d’un monde ? - Et si l’œuvre leclézienne n’est-elle finalement qu’une autobiographie ! C’est l’objet de ce travail d’apporter un début de réponse à ces interrogations.

Domaine de recherche, publications :

Études de philologie romane à Bruxelles et Louvain, professeur dans l'enseignement secondaire supérieur à Bruxelles, ensuite assistant à l'Université Catholique de Louvain (Unité de Littérature française moderne, puis Unité de Théorie littéraire et littérature comparée). Docteur en Philosophie et Lettres. Travaille ensuite à l'Université de Bayreuth au titre de chercheur invité (SFB Identität in Afrika), puis comme enseignant C3 et C4 a.i (Romanistik / Komparatistik). Ensuite chercheur à l’Université d’Anvers (UIA).

Domaine de recherche, publications :

Ancien élève des ENS de Saint-Cloud et Fontenay Saint-Cloud, agrégé et docteur en philosophie. Actuellement Maître de Conférences en philosophie (17e section) à l’Université de Lorraine, directeur du pôle 1er degré de l’INSPE de Lorraine et coordonnateur du séminaire transversal du Centre Ecritures « Le christianisme et ses héritage dans les sociétés et dans les textes. Chercheur associé au groupe Sartre de l’ITEM (Unité de recherche mixte CRNS/ENS).

"Théâtre et sacré : analyse d'’une interculturalité dramatique dans le théâtre de Paul Claudel et Élie Wiesel "
Guila Clara Kessous
Directeur(s) de thèse
Pierre Halen, Jeff Kline (cotutelle)
Composition du jury
  • Pierre BRUNEL, professeur des Universités, université Paris-4
  • Pierre-Marie BEAUDE, professeur des Universités, université de Lorraine, président du jury
  • Pierre PIRET, professeur des Universités, université catholique de Louvain
  • Pierre HALEN, professeur des Universités, université de Lorraine, directeur de thèse
Date et heure de soutenance
Résumé

Ce travail est en continuité avec le mémoire de DEA s’intitulant : « Théâtre et Sacré : Théâtre du sacrifice ou sacrifice du théâtre dans Le Soulier de Satin de P. Claudel et Le Dibbouk de P. Anski ». On y retrouve le même souci de sacralité au théâtre sous un angle bien spécifique: la transmission du sacré au travers de deux archétypes – la forme du mystère chrétien et la forme traditionnelle du pourim spiel – qui font l’objet d’une analyse comparée et qui sont moteurs de spiritualité dramatique interculturelle dans les deux oeuvres envisagées. L’ambition de cette étude vise donc plus spécifiquement la chose littéraire proprement dite au travers d’une analyse de formes archétypiques et de ses manifestations dramatiques chez E. Wiesel et P. Claudel. Sans rentrer dans une quelconque polémique religieuse, la visée de l’étude est de montrer ce qu’est la folie créatrice en train de se faire devant un public en passant par des préoccupations esthétiques (selon la culture des deux auteurs), artistiques (l’influence de la musique et du temps) et bien sur purement dramatiques (analyse de l’écriture, de la dramaturgie, sémiologie…). Les nombreuses allusions bibliques de ces deux oeuvres seront aussi envisagées. Est-ce à dire que l’on a affaire à un théâtre religieux, à des mystères divins qu’il faut lire comme des actes de foi ? Au contraire, la religionpréexistante arrive ici comme moteur du sacré, comme dynamique des tensions et n’est qu’un ingrédient efficace au transport du public (et de l’auteur). L’espace scénique gomme la transcendance divine type pour installer une transcendance d’une autre forme : celle du théâtre en lui-même qui est l’autel sur lequel est sacrifié et sublimé l’acteur. Les questions auxquelles ce travail tente de répondre sont les suivantes : comment transformer le sacré religieux en sacré artistique au travers de l’Art Dramatique et comment s’y prennent deux auteurs de différentes confessions religieuses ? Existe-t-il des topoï (des lieux communs) de ce passage du hors-scénique au scénique quand on touche au domaine du sacré (étude historique des « Mystères » médiévaux et parallèle avec la tradition du Pourim Spiel) ? Si oui, quels en sont les symboles et comment se manifestent-ils dans le « matériel » théâtral (décor, costumes, accessoires…). Enfin, y-a-t-il une parole du Sacré plus adéquate au hors-temps du Spirituel ou le Logos se traduit-il dans une prose quotidienne qui transfigurée dans sa quotidienneté même devient poétique au XXe siècle.

Thèse initalement soutenue à Boston University le 17 avril 2008. Nouvelle soutenance à l'université Paul-Verlaine le 8 septembre 2008.

Abstract:
This work deals with the transmission of the sacred through two archetypes: the form of Christian mystery and the traditional form of the Jewish Purim spiel. This study focuses specifically on the actual literary content through a comparative analysis of archetypical forms and of their dramatic expressions in two plays of E. Wiesel and P. Claudel. The aim of this study is to analyze aesthetic preoccupations (according to the culture of the two authors), artistic ones (the influence of the music and of the time) as well as pure dramatic preoccupations (analysis of the writing, of the dramaturgy, semiology…). The numerous biblical allusions of these two works will also be considered. Do we have to deal with religious theatre, with divine mysteries as acts of faith? On the contrary, the pre-existing religion occurs here as a catalyst of the sacred, as a dynamic of tensions and is an efficient ingredient for the enthusiasm of the public (and of the author). The scenic space eliminates the divine sort of transcendence in order to set up another form of transcendence: the one of the theatre itself that is the altar on which the author is sacrificed and sublimated. The questions which this work attempts to respond to are the following: how to transform the religious sacred into an artistic sacred through Performing Arts and how do two authors of different religious confessions proceed at this? What are the “topoi” (commonplaces) of this passage from the “out of scenic” to the scenic when you touch the domain of the sacred (historic study of the medieval « Mysteries » and parallels with the tradition of the Purim spiel)? If it is the case, what are the dramatic symbols and how do they become significant in the dramatic « material » (scenery, costumes, accessories…)? Finally, can the Logos be translated into a daily prose, which, by being transformed within its everyday nature, becomes dramatic in the work of E. Wiesel and P. Claudel?