Joëlle Fabiola Nsa Ndo
Jean-Michel WITTMANN | Professeur des universités | Université de lorraine | Directeur de thèse | |||
Sylvie FREYERMUTH | Professeur des universités-Université du Luxembourg | Université de Luxembourg | Rapporteur | |||
Than-Van TON-THAT | Professeur des universités-Université Paris Est Créteil | Université de Paris Creteil | Rapporteur | |||
Pierre HALEN | Professeur des universités | Université de Lorraine | Examinateur |
Le groupe et sa représentation dans la littérature autour de 1900 : Enjeux politiques et esthétiques » Dans le contexte de la Belle Époque, nombreux sont les romanciers qui s’attachent à représenter des « groupes », de forme et d’ampleur très diverses. Cette représentation du groupe engage des enjeux d’ordre moral mais aussi, et plus encore, des enjeux politiques. À travers le groupe, la question posée est celle de l’individu dans son rapport avec la société, voire avec la Nation. Dans cette période dominée par une volonté générale de réagir contre la décadence, cette question est celle de l’individualisme, analysé et présenté comme une maladie et comme le facteur même de la décomposition du corps social par Bourget, dès 1881, dans sa « Théorie de la décadence ». La question est d’ordre moral dans la mesure où elle concerne les devoirs de l’individu ; elle est aussi d’ordre politique, dans la mesure où elle concerne la bonne marche de la société, voire la bonne santé de la Nation. Elle est enfin d’ordre esthétique, à la fois parce que la problématique de la décadence de l’œuvre littéraire et celle de la décadence du corps social sont indissociables, suivant la vision organiciste de Bourget dans sa « Théorie de la décadence », et parce que le rapport entre l’individu et le groupe, en renvoyant au lien qui unit le romancier à son public, mais aussi à des groupes littéraires ou des réseaux d’influence, engage une certaine vision de la littérature. Cette thèse vise ainsi rendre compte de ces réflexions à partir, non pas des prises de position des uns et des autres, mais bien de la représentation du groupe proposée à l’intérieur même des fictions romanesques. Dans cette perspective, la réflexion se focalisera plus particulièrement sur quelques romans qui ont en commun de représenter différentes formes de groupes, notamment Paludes et Les Caves du Vatican d’André Gide, Les Déracinés de Maurice Barrès, L’Étape de Paul Bourget, Le Soleil des morts de Camille Mauclair et L’Enfant chargé de chaînes de François Mauriac. Mots-clefs : roman – Belle Époque – décadence – individualisme – politique – morale.
Stéphanie Politano
- Mireille DEREU, professeur des Universités, université de Lorraine
- Éléonore REVERZY, professeur des Universités, université de Strasbourg-Marc Bloch, rapporteur du jury
- Pierre-Louis REY, professeur émérite, université Paris-III Sorbonne Nouvelle, rapporteur du jur
- Frank WILHELM, professeur des Universités, université du Luxembourg, membre du jury
- Jean-Michel WITTMANN, professeur des Universités, université de Lorraine, directeur de thèse
Maurice Barrès, dont la carrière s'épanouit entre 1880 et 1920, s'est désigné comme un "fils des romantiques", réclamant en cela, un héritage intellectuel et littéraire datant de la première moitié du XIXe siècle. Cette revendication n'a pourtant rien d'anachronique si l'on considère que l'entre-deux siècles, marqué par un climat de crises politiques (scandale de Panama, boulangisme, affaire Dreyfus..) et littéraire (résurgence de la querelle entre classicisme et romantisme), voit le romantisme resurgir sur le devant de la scène, pour être interrogé de manière tout à fait inédite. Associé à l'individualisme partant à la décadence, il se retrouve au centre de débats portant sur des questions aussi bien éthiques qu'esthétiques. A l'heure où l'identité nationale apparaît déliquescente, où l'énergie française semble faire défaut, l'individualisme romantique cristallise toutes sortes de hantises et nourrit un imaginaire profondément ambivalent, qui oscille entre le pôle de l'idéal et celui de la négativité. Dans ce contexte, Maurice Barrès apparaît comme un des écrivains les plus représentatifs de ces formes nouvelles de sensibilité, car son élection en tant que "prince de la jeunesse "et son statut de leader d'opinion lui valent d'occuper une place essentielle, sur l'échiquier des lettres comme sur la scène politique. En analysant la réception du romantisme à l'intérieur même de l'oeuvre romanesque de Barrès, cette étude s'attache ainsi à en éclairer les enjeux, en la resituant dans son contexte.
Frédéric Guidon
- Yves-Michel ERGAL, maître de conférences HDR, université de Strasbourg
- Sylvie FREYERMUTH, professeur des Universités, université du Luxembourg
- Thanh-Vân TON-THAT, professeur des Universités, université de Pau
- Jean-Michel WITTMANN, professeur des Universités, université de Lorraine, directeur de thèse
Ce travail interroge la façon dont un imaginaire magistro-discipulaire, conçu comme riposte à l’esprit décadent et retour à l’autorité du littérateur investit un roman français des années 1890-1900. Il explore cette période à travers Le Disciple de Paul Bourget, L’Ennemi des lois de Maurice Barrès, Les Nourritures terrestres de Gide. Il repère le fonctionnement et les implicites d’une dialectique maître/disciple à travers les manifestations, les mécanismes et les intentions qu’elle véhicule, tant auprès d’un public avoué (la jeunesse) qu’à destination d’un lectorat plus confidentiel (des romanciers pairs et rivaux). Il montre comment le gain symbolique aux représentations du maître à penser participe d’une stratégie qui, sous couvert de socialisation et de pédagogie, sert la cause d’un romancier post-décadent qui, en quête d’une légitimité et à la recherche d’une écriture renouvelée du roman, entreprend l’exercice magistral comme l’impatronisation de l’écrivain en mentor, la moralisation du champ de la fiction en leçon de vie et l’identification du lecteur en disciple, récepteur et réceptacle d’un enseignement auctorial. De manière opérationnelle, il analyse alors l’articulation de structure d’un romanmagistère qui donne voix à un récit et un discours parallèles de maîtrise, et qu’un régime énonciatif distributif (ici diégétique, là extradiégétique) installe dans le dédoublement consonant (Bourget), satirique (Barrès) ou contradictoire (Gide) d’un romanesque didactique qui se réalise par les filtres d’une mise en scène fictive et d’une mise en discours effective, dont le rapport (redondant, distancié ou paradoxal) varie d’un texte à l’autre. La magistralité, ainsi présente dans le paratexte et la narration du roman, se développe sur les deux lignes d’un mécanisme qui réfléchit les deux modalités d’un descriptif et d’un discursif didactiques. Produit d’un dispositif textuel commun mais variable, elle relève de l’identité de trois auteurs proches, apparentés, mais de générations différentes et de notoriété non synchrone, et dont l’expression personnelle magistrale reste pour partie tributaire de celles des deux autres. Elle constitue de ce fait la trajectoire d’un corpus qui illustre en trois étapes le roman catéchétique, le roman parodique, le roman aporétique le déplacement de la garantie de la responsabilité à celle de l’originalité, au sein ou aux marges d’un roman de socialisation revu et corrigé à l’aune de chaque écrivain mentor. Spéculaire par son organisation diffractée, mobile au gré de l’évolution contextuelle et de ses créateurs, le roman-magistère en effet épouse et répudie les attentes, les engouements et les croyances de la période post-décadente à travers la reviviscence sérieuse (Le Disciple), jouée (L’Ennemi des lois) ou réfutée (Les Nourritures terrestres) d’un lien de maître à disciple transposé dans les termes d’une relation entre le romancier et son lecteur.
Manuel Galéa
- Olivier DARD, professeur des Universités, université de Lorraine
- Reynald LAHANQUE, professeur des Universités, université de Lorraine, rapporteur du jury
- Jacques POIRIER, professeur des Universités, université de Bourgogne, rapporteur du jury
- Jean-Michel WITTMANN, professeur des Universités, université de Lorraine, directeur de thèse
À partir d’un corpus exemplaire ce travail vise à saisir l’élément poétique fondamental du roman français des années Trente, défini comme le genre dominant de l’époque : la volonté de « révolution spirituelle », fondée sur une poétique de la catastrophe. Une telle poétique doit être conçue comme la traduction littéraire d’un mouvement intellectuel général visant à dépasser le discrédit jeté contre la démocratie libérale, système organisationnel hérité des Lumières. À la suite des jeunes intellectuels non-conformistes, les auteurs étudiés attaquent l’Intelligence Bourgeoise – système dominant de normes et valeurs hyperrationalistes – qui isole, divise et mutile les individus, à force d’abstraction stérile. Pervertie par les élites, l’Intelligence devient une force de dissociation menaçant la cohésion sociale. En réaction à l’excès de rationalisme délétère, un mouvement antiintellectualiste se développe dont l’enjeu est la définition d’une nouvelle architecture conceptuelle – Intelligence Simple – capable de régénérer l’individu et de restaurer le lien social. Ce projet de nature éthique s’impose comme la norme littéraire dominante et commande le retour à l’engagement des écrivains. Que les romanciers marqués à gauche ou à droite envisagent la crise de l’Intelligence française comme une faillite de la démocratie libérale ou comme une décadence de la nation, au-delà des sensibilités idéologiques et politiques respectives, la poétique.
Hélène Doub
- Pierre HALEN, professeur des Universités, université de Lorraine
- Sylvie FREYERMUTH, professeur des Universités, université du Luxembourg
- Pierre MASSON, professeur émérite, université de Nantes, président du jury
- Franck WILHELM, professeur des Universités, université du Luxembourg, co-directeur de thèse
- Jean-Michel WITTMANN, professeur des Universités, université de Lorraine, co-directeur de thèse
Durant toute sa carrière littéraire, André Gide n’a écrit, de son propre aveu, qu’un seul roman, Les Faux-monnayeurs, tout en se définissant tour à tour comme poète et comme romancier. La raison est peut-être à chercher du côté de ses débuts littéraires. Né à l’écriture au moment d’une triple remise en cause des valeurs, du sujet et des représentations, émergeant sur le champ littéraire alors que les deux grands genres que sont la poésie et le roman traversent une crise qui fait vaciller leurs limites et leurs fondements, Gide sera le produit de son époque en ce qu’il héritera de ces chantiers et s’en emparera pour fonder son idée de la littérature. Comme en témoignent son oeuvre fictionnelle, sa correspondance ou sa réflexion critique, Gide reste marqué par la perspective symboliste qui est celle de ses débuts littéraires. Adoubé par l’entourage de Mallarmé, il entretiendra avec le symbolisme une relation pleine d’ambiguïté mais demeurera fidèle à une certaine idée de la littérature « pure » de tout ce qui n’est pas elle et à une image de l’écrivain qui tient beaucoup du poète dévoué à son art. La leçon qu’il retiendra sera celle d’une primauté du point de vue esthétique sur le point de vue moral, ce qui, en des temps plus troublés où l’écrivain sort du champ littéraire pour entrer dans l’arène politique, constituera l’originalité et la force de la posture gidienne. S'interroger sur la place de la poésie dans le projet littéraire gidien de 1890 à 1911, c’est donc d’abord, dans une perspective conceptuelle, chercher à comprendre ce que signifient les mots « poète » et « poésie » pour l’auteur à un moment où leur sens est sans cesse redéfini par un champ littéraire en proie au doute. C’est également, dans une perspective à la fois historique et sociologique, se demander comment Gide définit sa posture d’écrivain dans le champ littéraire par rapport à une image du poète héritée du symbolisme, c’est suivre la constante reprise de ce motif dans les moments de doute et voir quelle est la part de stratégie qui entre dans cette composition du portrait de l’écrivain en poète. C’est enfin, dans une perspective générique et esthétique, observer dans les oeuvres comment se matérialise le rapport critique à la poésie, montrer notamment comment la quête obstinée du roman passe inévitablement par les chemins du genre valorisé et admiré qu’est la poésie.
Abstract:
Throughout his literary career, Gide only admitted to having written one real novel, The Counterfeiters, while still referring to himself as poet or novelist as the mood took him. Perhaps the explanation is to be found in his literary beginnings. He started writing at a time when three aspects—values, subject and representation—were being called into question. Appearing on the literary scene just when the two great genres of poetry and novels were going through a crisis that tested their limits and shook them to the foundations, Gide was a product of his time in that he inherited these upheavals and seized upon them as a basis for his idea of what literature should be. As his fiction, correspondence and critical observations demonstrate, Gide remained marked by the symbolist perspective of his literary beginnings. Lauded by Mallarmé’s followers, Gide was to maintain a highly ambiguous relationship with symbolism, whilst still remaining faithful to a certain idea of literature that was untouched by anything outside itself, and to an image of the writer as very like the poet devoted to his art. The lesson he chose to learn was that the aesthetic point of view should take precedence over the moral, which would constitute the originality and strength of Gide’s position, when during more troubled times, the writer emerged from the literary domain to enter the political arena. As a consequence, to wonder about the place of poetry in Gide’s literary career from 1890 to 1911 means trying to understand, from a conceptual perspective, just what the words “poet” and “poetry” signified for the author at a time when their meaning was constantly being redefined by a literary camp that was prey to doubt. It also means wondering how Gide defined his position as a writer in the literary field compared to an image of the poet as drawn from symbolism, from a perspective that is simultaneously both historical and sociological, as well as tracing the constant recurrence of this motif in moments of doubt, and determining to what extent strategy played a role in the composition of this portrait of the writer as a poet. Finally, from a generic, aesthetic perspective, it means observing how the rapport essential to poetry manifests itself in his works, and especially showing how the stubborn search for the novel follows the twists and turns of that muchrespected, much-admired genre that is poetry.
Keywords: Maurice Barrès, André Gide, Mallarmé, Body, Decadence, Individualism, Materialism, Naturism, Poetry, Novel
Sonia Da Silva
- Pierre HALEN, professeur des Universités, université de Lorrain
- Sylvie FREYERMUTH, professeur des Universités, université du Luxembourg
- Frank WILHELM, professeur des Universités, université du Luxembourg
- Jean-Michel WITTMANN, professeur des Universités, université de Lorraine, directeur de thèse
En s'employant par la plume au redressement de la France, Pierre Drieu la Rochelle s'inscrit dans la lignée des écrivains et des penseurs qui ont dénoncé la décadence, Paul Bourget et, surtout, Barrès et Nietzsche, les deux maîtres qu’il se reconnaît. “Je me suis trouvé comme tous les autres écrivains contemporains devant un fait écrasant: la décadence”, écrit-il dans la préface de Gilles, lui qui cite volontiers Aragon, Céline, Malraux ou encore Montherlant, ces écrivains et intellectuels de l'entre-deux-guerres avec lesquels il partage une certaine fraternité prophétique. Si Drieu a vécu et envisagé les rapports de sa création littéraire avec l'idéologie et la politique à travers le prisme de la convulsion du temps provoquée par la crise de l'antimodernisme et de l'antiparlementarisme, il affronte ce qu'il considère être un “fait écrasant” en pratiquant une “observation systématique”. Dans “son oeuvre de satire”, cette référence obsédante à la décadence, qu’il décèle plus particulièrement dans le corps individuel et social, fait l'objet de transfigurations littéraires qui visent toutes à la dénoncer. Pour essayer de cerner les enjeux d’une telle représentation, qui se situe à la jonction de l’idéologie et de la littérature, il est nécessaire d'analyser les fondements de l'imaginaire de la décadence inhérents à la période de l'entre-deux-guerres. À ce prix, il devient possible de distinguer l'unité et la cohérence de l'oeuvre de Drieu, articulée autour de cette décadence que l’on doit considérer comme un “fait d'imagination” (Pierre Citti) et cristallisée autour d’un motif central : le corps.