Sofiane Iken
Mme Dominique RANAIVOSON Université de Lorraine Directrice de thèse
M. Jean-Michel WITTMANN Université de Lorraine Examinateur
M. Paul DIRKX Université de Lille Examinateur
M. Mourad YELLES INALCO Rapporteur
M. Benaouda LEBDAÏ Le mans Université Rapporteur
M. Charles BONN Université Lyon 2 Invité
Notre recherche s’intéresse au métissage culturel des écrivains maghrébins de la période coloniale et des écrivains français d’origine maghrébine. Il s’agit d’une étude comparative entre des œuvres littéraires appartenant à deux périodes historiques différentes. Les romans qui sont l’objet de notre étude sont en nombre de quatre. Nous avons choisi deux romans appartenant à la période coloniale, Le Sommeil du juste, de Mouloud Mammeri et Les Chemins qui montent de Mouloud Feraoun et deux romans écrits par deux auteurs Beurs, Le Chinois vert d’Afrique de Leila Sebbar et L’Ilet-aux- vents d’Azouz Begag.
Le but de la recherche est de montrer comment le métissage culturel devient une source d’inspiration littéraire. Autrement dit, comment une appartenance plurielle devient un facteur de la création littéraire ? Dans la personne de l’hybride culturel se réunit des visions et des valeurs appartenant à deux mondes, à deux cultures différentes mêlées depuis l’enfance. Leurs œuvres dévoilent ce mélange, mais surtout elles nous montrent comment l’homme métissé culturellement arrive à réconcilier en lui des valeurs distinctes. Ce que nous appelons le malaise identitaire est, en fait, cette voix dérangeante qui se pose des questions sur le passé et l’avenir, sur l’origine et le devenir. Notre objectif est de regarder de près le dialogue des cultures et des civilisations, notamment entre l’Orient et l’Occident, entre la France et le Maghreb, revisiter le patrimoine culturel franco-Algérien.
Shaimaa Al-Goberi Abed Alkeder Yousif
M. Jean-Michel WITTMANN | Université de Lorraine | Directeur de these |
Mme Sylvie FREYERMUTH | Université du Luxembourg | Rapporteur |
Mme Thanh-Vân TON-THAT | Université Paris-Est Créteil Val de Marne | Rapporteur |
M. Frank WILHELM | Université du Luxembourg | Examinateur |
Au milieu des années 1920, avec la publication des Faux-monnayeurs, l’œuvre romanesque d’André Gide prend une dimension sociale et même politique, le roman posant clairement la question de la place des corps étrangers dans le corps social, lui-même pensé comme un tout indivisible et figé par les écrivains et les penseurs nationalistes auxquels il s’est opposé, comme Maurice Barrès, Charles Maurras ou Paul Bourget. Il s’agit pour Gide de plaider en faveur d’une catégorie singulière d’individus, en l’occurrence les homosexuels, mais sa réflexion, de portée plus générale, pose bien la question de la place des minorités et de l’acceptation de la différence par les normes sociales. Dès lors, la question de l’émancipation individuelle est abordée par Gide non plus sur le plan moral seulement, mais sur le plan social ; perspective qui va se retrouver également un peu plus tard dans la trilogie romanesque de L’École des femmes. À partir de ce constat, il s’agirait de repenser la question de l’émancipation individuelle dans l’œuvre de Gide, dès ses premières œuvres, sous l’angle social, en étudiant la manière dont son œuvre esquisse une réflexion sur les formes et les enjeux de la domination sociale exercée aussi bien sur les homosexuels que sur d’autres groupes sociaux : plaider la cause des homosexuels l’amène par exemple à reconsidérer la place des domestiques dans une société bourgeoise qui les relègue également à la marge, voire à se poser la question de la place de la femme dans la société bourgeoise. La thèse se focalisera plus particulièrement sur :
- la représentation des Arabes dans des œuvres comme L’Immoraliste ou, plus tard, Si le grain ne meurt : l’un des paradoxes de l’émancipation telle que l’a vécue et écrite Gide étant que l’affirmation de sa différence et de son droit à « vivre selon sa nature » s’est faite grâce à des jeunes gens, au Maghreb, qui se trouvaient de fait en position de dominés (économiquement et politiquement) face à lui qui incarnait la classe dominante (en tant que grand bourgeois en voyage dans l’Algérie française) ; il s’agira donc d’explorer ce paradoxe mais aussi de suivre l’évolution du regard porté par Gide sur ces dominés;
- la représentation des homosexuels en tant qu’elle conduit à poser la question de la domination sociale, par exemple lorsque Gide esquisse un parallèle entre l’enfant homosexuel et les bonnes, tous relégués au fond de l’appartement par une société bourgeoise qui nie leurs droits en tant qu’individus ; il s’agira dès lors de voir comment la perspective sociale s’enracine dans une revendication, au départ, strictement morale et limitée à un type d’individu, voire à lui seul;
- la représentation des femmes, elle aussi déterminée, à l’origine, par la question de l’homosexualité, dans un parcours qui semble conduire d’une vision de la femme comme obstacle à l’épanouissement individuel (l’épouse ou la mère dépositaire des valeurs bourgeoises) à une vision qui conduit à la représenter comme elle-même entravée dans son épanouissement social, par les valeurs de cette société.
Hojjat Rashtiani
- Sylvie FREYERMUTH, professeur des Université, université du Luxembourg, rapporteur du jury
- Jacques POIRIER, professeur des Université, université Dijon-Bourgogne, rapporteur du jury
- Raymond MICHEL, maître de conférence, université de Lorraine, membre du jury
- Pierre HALEN, professeur des Université, université de Lorraine, directeur de thèse
Jean-Paul Kwizera
- Pierre-Marie BEAUDE, université de Lorraine, président du jury
- János RIESZ, université de Bayreuth/Munich, rapporteur du jury
- Alain RICARD, CNRS - Bordeaux, rapporteur du jury
- Pierre HALEN, université de Lorraine, directeur de thèse
La poétique de l'espace dans l'oeuvre romanesque de Saverio Nayigiziki
Mes transes à trente ans (Escapade ruandaise) de l’écrivain rwandais Saverio Nayigiziki, est une oeuvre exceptionnelle, qui occupe une place majeure dans le corpus littéraire du Rwanda. Notre étude de l’espace romanesque montre comment l’élément spatial est essentiel dans la construction narrative du roman. En nous situant dans le cadre de la narratologie, nous analysons les pratiques romanesques qui organisent l’espace représenté à partir des codes du réalisme. Ce travail est organisé en trois parties. La première est une étude analytique de l’organisation textuelle qui manifeste la spatialité selon les modes d’écriture de la description réaliste d’une part, en fonction de la langue d’autre part. La seconde étudie la narrativisation de l’espace et les procédures narratives de sa mise en texte. Enfin la dernière partie analyse la fonctionnalité diégétique de l’espace, dans ses rapports avec la structure romanesque. Toutes ces approches montrent comment l’espace du roman ne se présente pas comme un simple décor devant lequel se déroule une action mais plutôt comme un constituant narratif en lien étroit avec les personnages, avec leur évolution au fil du récit et avec le sens incertain de leurs pérégrinations à travers le Rwanda et les pays voisins.
Publication issue de la thèse: Mes transes à trente ans (Escapade ruandaise). Texte intégral, établi et présenté par Jean-Paul Kwizera. Metz : Centre Écritures, coll. Littératures des mondes contemporains, série Afriques, n°5, 2009, 471 p., cartes, glossaire - ISBN 978-2-917403-10-5.
Abstract:
Poetics of Space in Nayigiziki’s Mes transes à trente ans (Escapade ruandaise)
Mes transes à trente ans (Escapade ruandaise), Saverio Nayigiziki’s great work, is an exceptional novel, of major importance in Rwanda’s literature, but in african literary history too. This study of the novel shows how essential is the spatial dimension in the narrative and in the fiction as well. Using a narratological approach, it analyses the novelistic practices which organize spatial representations within the realistic literary tradition. Our dissertation has three parts. The first one analyses textual organisation which represents space according to realistic patterns, as they are known in french literature of the 19th century, and according to the language constraints. The second part is devoted to the links between space and the narrative systems. Finally, the third part is a study of the diegetic impact of spaces representations, and of the way the novel is structured with spatial informations. All those approaches show how space is not only, or not at all a stage setting for the story, but much more an essential part of textuality, which is nearly related to characters, events, and to the global meaning of this travel story through Rwanda and other lands of Africa’s heart.
Frédéric Guidon
- Yves-Michel ERGAL, maître de conférences HDR, université de Strasbourg
- Sylvie FREYERMUTH, professeur des Universités, université du Luxembourg
- Thanh-Vân TON-THAT, professeur des Universités, université de Pau
- Jean-Michel WITTMANN, professeur des Universités, université de Lorraine, directeur de thèse
Ce travail interroge la façon dont un imaginaire magistro-discipulaire, conçu comme riposte à l’esprit décadent et retour à l’autorité du littérateur investit un roman français des années 1890-1900. Il explore cette période à travers Le Disciple de Paul Bourget, L’Ennemi des lois de Maurice Barrès, Les Nourritures terrestres de Gide. Il repère le fonctionnement et les implicites d’une dialectique maître/disciple à travers les manifestations, les mécanismes et les intentions qu’elle véhicule, tant auprès d’un public avoué (la jeunesse) qu’à destination d’un lectorat plus confidentiel (des romanciers pairs et rivaux). Il montre comment le gain symbolique aux représentations du maître à penser participe d’une stratégie qui, sous couvert de socialisation et de pédagogie, sert la cause d’un romancier post-décadent qui, en quête d’une légitimité et à la recherche d’une écriture renouvelée du roman, entreprend l’exercice magistral comme l’impatronisation de l’écrivain en mentor, la moralisation du champ de la fiction en leçon de vie et l’identification du lecteur en disciple, récepteur et réceptacle d’un enseignement auctorial. De manière opérationnelle, il analyse alors l’articulation de structure d’un romanmagistère qui donne voix à un récit et un discours parallèles de maîtrise, et qu’un régime énonciatif distributif (ici diégétique, là extradiégétique) installe dans le dédoublement consonant (Bourget), satirique (Barrès) ou contradictoire (Gide) d’un romanesque didactique qui se réalise par les filtres d’une mise en scène fictive et d’une mise en discours effective, dont le rapport (redondant, distancié ou paradoxal) varie d’un texte à l’autre. La magistralité, ainsi présente dans le paratexte et la narration du roman, se développe sur les deux lignes d’un mécanisme qui réfléchit les deux modalités d’un descriptif et d’un discursif didactiques. Produit d’un dispositif textuel commun mais variable, elle relève de l’identité de trois auteurs proches, apparentés, mais de générations différentes et de notoriété non synchrone, et dont l’expression personnelle magistrale reste pour partie tributaire de celles des deux autres. Elle constitue de ce fait la trajectoire d’un corpus qui illustre en trois étapes le roman catéchétique, le roman parodique, le roman aporétique le déplacement de la garantie de la responsabilité à celle de l’originalité, au sein ou aux marges d’un roman de socialisation revu et corrigé à l’aune de chaque écrivain mentor. Spéculaire par son organisation diffractée, mobile au gré de l’évolution contextuelle et de ses créateurs, le roman-magistère en effet épouse et répudie les attentes, les engouements et les croyances de la période post-décadente à travers la reviviscence sérieuse (Le Disciple), jouée (L’Ennemi des lois) ou réfutée (Les Nourritures terrestres) d’un lien de maître à disciple transposé dans les termes d’une relation entre le romancier et son lecteur.
Hélène Doub
- Pierre HALEN, professeur des Universités, université de Lorraine
- Sylvie FREYERMUTH, professeur des Universités, université du Luxembourg
- Pierre MASSON, professeur émérite, université de Nantes, président du jury
- Franck WILHELM, professeur des Universités, université du Luxembourg, co-directeur de thèse
- Jean-Michel WITTMANN, professeur des Universités, université de Lorraine, co-directeur de thèse
Durant toute sa carrière littéraire, André Gide n’a écrit, de son propre aveu, qu’un seul roman, Les Faux-monnayeurs, tout en se définissant tour à tour comme poète et comme romancier. La raison est peut-être à chercher du côté de ses débuts littéraires. Né à l’écriture au moment d’une triple remise en cause des valeurs, du sujet et des représentations, émergeant sur le champ littéraire alors que les deux grands genres que sont la poésie et le roman traversent une crise qui fait vaciller leurs limites et leurs fondements, Gide sera le produit de son époque en ce qu’il héritera de ces chantiers et s’en emparera pour fonder son idée de la littérature. Comme en témoignent son oeuvre fictionnelle, sa correspondance ou sa réflexion critique, Gide reste marqué par la perspective symboliste qui est celle de ses débuts littéraires. Adoubé par l’entourage de Mallarmé, il entretiendra avec le symbolisme une relation pleine d’ambiguïté mais demeurera fidèle à une certaine idée de la littérature « pure » de tout ce qui n’est pas elle et à une image de l’écrivain qui tient beaucoup du poète dévoué à son art. La leçon qu’il retiendra sera celle d’une primauté du point de vue esthétique sur le point de vue moral, ce qui, en des temps plus troublés où l’écrivain sort du champ littéraire pour entrer dans l’arène politique, constituera l’originalité et la force de la posture gidienne. S'interroger sur la place de la poésie dans le projet littéraire gidien de 1890 à 1911, c’est donc d’abord, dans une perspective conceptuelle, chercher à comprendre ce que signifient les mots « poète » et « poésie » pour l’auteur à un moment où leur sens est sans cesse redéfini par un champ littéraire en proie au doute. C’est également, dans une perspective à la fois historique et sociologique, se demander comment Gide définit sa posture d’écrivain dans le champ littéraire par rapport à une image du poète héritée du symbolisme, c’est suivre la constante reprise de ce motif dans les moments de doute et voir quelle est la part de stratégie qui entre dans cette composition du portrait de l’écrivain en poète. C’est enfin, dans une perspective générique et esthétique, observer dans les oeuvres comment se matérialise le rapport critique à la poésie, montrer notamment comment la quête obstinée du roman passe inévitablement par les chemins du genre valorisé et admiré qu’est la poésie.
Abstract:
Throughout his literary career, Gide only admitted to having written one real novel, The Counterfeiters, while still referring to himself as poet or novelist as the mood took him. Perhaps the explanation is to be found in his literary beginnings. He started writing at a time when three aspects—values, subject and representation—were being called into question. Appearing on the literary scene just when the two great genres of poetry and novels were going through a crisis that tested their limits and shook them to the foundations, Gide was a product of his time in that he inherited these upheavals and seized upon them as a basis for his idea of what literature should be. As his fiction, correspondence and critical observations demonstrate, Gide remained marked by the symbolist perspective of his literary beginnings. Lauded by Mallarmé’s followers, Gide was to maintain a highly ambiguous relationship with symbolism, whilst still remaining faithful to a certain idea of literature that was untouched by anything outside itself, and to an image of the writer as very like the poet devoted to his art. The lesson he chose to learn was that the aesthetic point of view should take precedence over the moral, which would constitute the originality and strength of Gide’s position, when during more troubled times, the writer emerged from the literary domain to enter the political arena. As a consequence, to wonder about the place of poetry in Gide’s literary career from 1890 to 1911 means trying to understand, from a conceptual perspective, just what the words “poet” and “poetry” signified for the author at a time when their meaning was constantly being redefined by a literary camp that was prey to doubt. It also means wondering how Gide defined his position as a writer in the literary field compared to an image of the poet as drawn from symbolism, from a perspective that is simultaneously both historical and sociological, as well as tracing the constant recurrence of this motif in moments of doubt, and determining to what extent strategy played a role in the composition of this portrait of the writer as a poet. Finally, from a generic, aesthetic perspective, it means observing how the rapport essential to poetry manifests itself in his works, and especially showing how the stubborn search for the novel follows the twists and turns of that muchrespected, much-admired genre that is poetry.
Keywords: Maurice Barrès, André Gide, Mallarmé, Body, Decadence, Individualism, Materialism, Naturism, Poetry, Novel